Première loi "phare" du gouvernement

Publié le par L'équipe de Débattons !

Comme vous le savez peut être, le Sénat le 5 juillet a adopté le projet de loi qui entérine le principe des peines planchers pour les récidivistes et qui écarte dans certains cas l'excuse de minorité pour les 16-18 ans. (1)

Pour la première fois, la fille du maçon marocain, élevée dans une famille de douze enfants, garde des Sceaux depuis près de deux mois, affrontait l'arène parlementaire. Et tout de suite pour un débat sans facilité. Robert Badinter est monté au créneau pour le groupe socialiste, Louis Mermaz a défendu une question préalable, il y a encore eu une motion de renvoi en commission socialiste et une exception d'irrecevabilité communiste. Bref, la gauche a attaqué de front le projet de loi.(2)

Pourquoi cette attaque ? Qu'apporte de nouveau ce texte ?

L'une des deux explications est ici :

Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
[...] (3)


En clair, sont inscrites dans ce texte de loi des "peines planchers". Ca y'est, j'ai dit le "gros mot". En effet, c'est ce principe même qui est au coeur de l'affrontement drooite-gauche sur ce sujet.

D'un côté, on affirme que cette loi met en évidence le fait que l'on se méfie des juges

au point de leur interdire trop de compréhension et de poser un garde-fou à une générosité supposée excessive (4).

A ceci, on peut objecter que

 le juge n'est pas complètement contraint, qu'il peut déroger à la nouvelle norme par une décision spéciale et motivée (5)


Mais alors, si l'on peut y déroger, quel est l'intérêt de la loi ? La différence fondamentale est que dorénavant il ne faudra plus justifier une peine mais justifier l'absence de - ou la légèreté de la - peine en cas de récidive et seulement en cas de récidive avérée.

Je me souviens d'un certain Bonnal dit « le Chinois », qui avait été condamné trois fois pour un total de 29 ans de réclusion criminelle. Impliqué dans le hold-up sanglant du bureau de change des magasins du Printemps Haussmann à Paris, le 24 novembre 1998, le juge l’avait été remis en liberté provisoire dès le 21 décembre 2000. 
Fin 2001, il tuait 6 personnes, dont deux policiers...

L'obligation de justification n'aurait-elle pas empêché ceci ?


Le second point de discorde concerne l'excuse de minorité. Auparavant, un mineur était jugé de façon particulière, sa peine était atténuée. Mais, il est écrit dans ce texte :

si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs peut décider qu'il n'y a pas lieu de le faire bénéficier de l'atténuation de la peine prévue (6)

Ceci soulève une question importante : faut-il juger les mineurs récidivistes comme des adultes ?

Avant de débattre, un dernier fait : cette loi ne s'applique pas aux 

 vols de bonbons, [...] Nous parlons de viols en réunion, de vols à main armée, de braquages... (7)

 

 Et, n'oublions pas que le premier devoir d'une société est de protéger ceux qui en acceptent les règles. 

 


Hesnoone

"Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre". Cardinal de Richelieu (Mémoires)





(1) http://www.senat.fr/dossierleg/pjl06-333.html
(2) http://www.lefigaro.fr/france/20070706.FIG000000212_recidive_dati_recoit_son_bapteme_du_feu_au_senat.html
(3) cf (1)
(4)
http://www.lefigaro.fr/debats/20070706.FIG000000022_peines_planchers_se_mefierait_on_des_juges.html
(5) Idem
(6) cf (1)
(7) cf (2)

Publié dans Economie-Social

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H
Je pense que la différence fondamentale est que maintenant il faudra justifier non plus la peine infligée mais  l'absence de peine. Par conséquent, il sera désormais normal de condamner (lourdement ?) un multirécidiviste. Il s'agit donc d'un changement moins anodin qu'il n'y parait.En ce qui concerne la majorité, je ne suis qu'à moitié d'accord.En effet, l'inculpé de moins de 18 ans bénéficie toujours a priori de l'excuse de minorité. Mais, dans certains cas, le juge peut décider de ne pas le faire bénéficier de cette protection : cet acte n'a rien d'automatique. Contrairement à l'octroi d'un "droit" supplémentaire (ici la majorité légale). Hensoone
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A
Très belle citation de Richelieu et, comme d'ahibitude, belle démonstration pour justifier la loi Dati. Je pense, comme vous, que pour les multi-récidivistes, ayant commis des crimes graves (passibles de la cour d'assises), et non des délits, ces peines planchers sont, a priori, une bonne chose. A cette nuance près que la possibilité de descendre sous ce seuil fausse tout de même l'opération: désormais un juge devra motiver ce choix... mais, jusqu'ici, n'y avait-il pas une raison pour prononcer des peines que l'opinion juge trop clémente? En choisissant le verdict, le jury faisait-il le choix d'une peine sans la motiver lors des délibérations?Pour ce qui est de l'excuse de minorité, désormais levée, là aussi pour les crimes les plus graves, elle est contraire à un principe de Nicolas Sarkozy lui-même qui disait, pendant la campagne présidentielle, vouloir que chacun ait des droits et des devoirs, l'un n'allant pas sans l'autre. Or, sur ce dossier, ce principe est bafoué: j'accepterais cette mesure si elle s'accompagnait d'un abaissement de l'âge de la majorité légale, et pas seulement pénale. A mon sens, l'une ne doit pas aller sans l'autre !
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