Réagissez ! L'affaire de la B.C.E.

Publié le par Buffalo (de l'équipe de Débattons !)

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Comme le veut la tradition, je vous livre deux articles de presse, le premier issu su site du Figaro, le second de celui de Libération... :

 
 
« L’Europe, ça repart ». Nicolas Sarkozy, lors d'une conversation dans l'avion le ramenant de Hongrie vendredi soir, rapportée par Le Monde, se félicite du nouveau départ de l’Europe et du retour de la France. Mais il n’en égratigne pas moins les patrons des institutions financières européennes.
 
S’il dit approuver l’intervention de Jean-Claude Trichet, le patron de la BCE, pour calmer les marchés lors de la crise du subprime, il trouve « curieux d'injecter des liquidités sans baisser les taux ». « On a fait des facilités pour les spéculateurs, on complique la tâche pour les entrepreneurs », a ajouté Nicolas Sarkozy selon le quotidien. De même, la ministre de l’Economie a abondé dans le sens du chef de l’Etat samedi en estimant qu’il avait «raison de poser la question des taux d’intérêt » en zone euro, qui est une « vraie question ».
 
Le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker est lui aussi visé par le locataire de l'Elysée : « Quelle initiative a-t-il prise ? Sur le capitalisme financier, c'est Angela Merkel et moi qui menons le débat. Il n'est pas absurde que le président de l'Eurogroupe s'interroge. » Et de promettre, après les critiques des ministres des finances de la zone euro sur sa politique budgétaire « un certain nombre de réformes qui seront applaudies des deux mains par les Européens » le 18 septembre, date à laquelle il doit, devant les journalistes de l'information sociale, dévoiler son plan pour les régimes spéciaux de retraite. 
 
"Coups de boutoir"
 
Le président de la BCE a rapidement répondu à ces coups de griffe, affirmant que la Banque « protège les citoyens européens » en évitant une hausse des prix, et ne favorise pas les spéculateurs. Plusieurs pays européens se sont également empressés de soutenir Trichet. Le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, a ainsi pris ses distances avec les critiques de Nicolas Sarkozy. Même son de cloche chez son homologue autrichien, Wilhelm Molterer, qui « considère que la BCE agit de façon appropriée, correcte ». Quant au commissaire européen aux Affaires monétaires, Joaquin Almunia, il a rendu hommage au travail de Jean-Claude Juncker.
 
La polémique enfle, mais Nicolas Sarkozy ne semble pas vouloir tempérer ses déclarations. Lors de la conversation rapportée par Le Monde, il se disait même déterminé à donner des « coups de boutoir » sur l'approche européenne des dossiers financiers. (1)






Ce banquier central d’un pays de la zone euro ne cache pas sa colère : «Que veut Nicolas Sarkozy ? Faire exploser l’euro ? A-t-il un agenda caché ?» Les nouvelles attaques contre la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et la gouvernance économique de l’eurozone menées, sabre au clair, par le chef de l’État, ont consterné, et le mot est faible, les ministres des Finances et les banquiers centraux des Vingt-sept réunis à Porto, vendredi et samedi. Ce banquier central d’un pays de la zone euro ne cache pas sa colère : « que veut Nicolas Sarkozy ? Faire exploser l’euro ? A-t-il un agenda caché ? » Les nouvelles attaques contre la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et la gouvernance économique de l’eurozone menées, sabre au clair, par le chef de l’État, ont consterné, et le mot est faible, les ministres des Finances et les banquiers centraux des Vingt-sept réunis à Porto, vendredi et samedi. Alors que la situation des marchés financiers demeure plus que précaire, après la crise du crédit immobilier spéculatif, Sarkozy a donné l’impression de verser de l’huile sur le feu au pire moment. Face au comportement jugé « irresponsable », selon le mot d’un participant, du Président français, les grands argentiers et les banquiers centraux ont serré les rangs.

Selon Le Monde daté de dimanche/lundi, le chef de l’État a jugé que le Président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et le président de l’Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, n’avaient pas été à la hauteur dans la gestion de la crise financière de l’été. « Quelle initiative a prise » Juncker, s’est-il interrogé devant quelques journalistes, dans l’avion qui le conduisait vendredi en Hongrie ? « Sur le capitalisme financier, c’est Angela Merkel et moi qui menons le débat. Il n’est pas absurde que le président de l’Eurogroupe s’interroge ».

 

Certes, la BCE, pour rassurer les marchés, n’a pas augmenté ses taux d’intérêt le 6 septembre dernier, contrairement à ce qui était prévu, « mais j’ai trouvé curieux d’injecter des liquidités sans baisser les taux ». Pour le chef de l’État, « on a fait des facilités pour les spéculateurs, on complique la tâche pour les entrepreneurs ». Ravi de ses « coups de boutoir », comme il le dit lui-même au Monde, il ne s’est pas arrêté en si bon chemin : il a accusé Peer Steinbrück, le grand argentier allemand avec lequel il a eu une vive prise de bec le 9 juillet dernier (Libération du 13 juillet) d’avoir une « vision comptable des choses ». « Que la croissance soit à 1,9 % ou 2,3 %, au fond cela ne change pas grand-chose, car, ce que je veux, c’est 3 % »

Jean-Claude Juncker s’est gentiment moqué de son homologue : « je ne commente pas les propos en l’air. Ils ont bien été tenus dans un avion, non ? » Et montrant ses magnifiques bretelles : « je les ai mises pour me les faire remonter par Sarkozy », s’est-il esclaffé devant quelques journalistes… Le président de la Bundesbank, Axel Weber, lui, a réagi avec un mépris à peine déguisé, les Allemands n’ayant pas l’habitude de plaisanter avec la monnaie : « le degré de nouveauté des propos du Président est nul, leur influence sur les décisions de la BCE l’est aussi ». Peer Steinbrück, lui, a rappelé que « l’action de la BCE a été très largement saluée ici ». Le ministre des finances autrichien, Wilhelm Molterer, considère aussi que « la BCE agit de façon appropriée, correcte ». Et de souligner : « il est dans l’intérêt de tous de soutenir la BCE, c’est ce que je fais et je pense que tout l’Eurogroupe le fait également ».

Même Christine Lagarde, la ministre française, a déclaré à un journaliste de Reuters que « la BCE est une institution indépendante, il n'y a pas de débat à ce propos, et nous sommes tous très contents de ce que la BCE a fait cet été face (...) aux turbulences sur les marchés financiers ». Mais il est vrai que la déclaration a été faite vendredi, avant que les déclarations de Sarkozy ne soient connues...

Diplomatiquement, Jean-Claude Trichet (photo) s’est dit surpris des propos du Président : la semaine dernière, a-t-il rappelé, « il a dit qu’il approuvait » la décision de son institution de maintenir les taux d’intérêt inchangé, et même, a-t-il ironisé, « qu’il pensait que c’était grâce à son influence ». Pourquoi un tel  changement de ton ?

Il a aussi rappelé que, durant la crise financière, Jean-Claude Juncker et lui-même avaient été en contact permanent, contrairement à ce que semble penser le Président français.« Notre action depuis le 9 août dernier a été sage, rapide, conduite avec sang-froid. Cela a été salué unanimement ici », a estimé Trichet.

Ce qui a frappé tout le monde à Porto, c’est l’incroyable amateurisme de Sarkozy qui ne semble pas savoir de quoi il parle. Ainsi, les centaines de milliards d’euros de prêts à très court terme accordés aux banques par la BCE ont déjà été récupérés et n’avaient pour objet que d’éviter l’implosion du système bancaire, qui aurait nui gravement à l’ensemble de l’économie, et non d’aider les « spéculateurs ». Trichet l’a souligné :  « le monde entier sait que nous avons lutté contre la spéculation et les spéculateurs »

 

La Banque d’Angleterre vient d’ailleurs de démontrer que sa réticence à injecter des liquidités dans le système se paye cash : elle a dû intervenir en urgence pour sauver de la faillite la banque Northern Rock, sans parvenir à enrayer la panique des petits épargnants. Rien de tel dans la zone euro. De même, considérer qu’une baisse de la croissance de 0,5 % n’est pas grave, car on vise 3 % l’an est un raisonnement qui en a laissé plus d’un bouche bée. Enfin, chacun se demande si le Président a conscience qu’il fait de la politique à crédit, sur le dos de ses partenaires : si le franc existait encore, ses déclarations auraient déclenché une crise monétaire grave qui aurait coûté cher à la France.
Au final, la sortie de Sarkozy ne fait que souligner davantage le total isolement de la France sur les sujets monétaire et financier. Certains voient dans les déclarations de Sarkozy l’influence de son « conseiller spécial », le souverainiste Henri Guaino qui se comporte en véritable ministre « fantôme » de l’Économie et des Finances. La question est désormais sur toutes les lèvres : à quoi sert Christine Lagarde qui s’est, une nouvelle fois, retrouvée désavouée et en porte-à-faux vis-à-vis de ses collègues ? (2)






(1)http://www.lefigaro.fr/economie/20070915.WWW000000036_sarkozy_renouvelle_ses_critiques_contre_la_bce_et_leurogroupe.html
(2)http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2007/09/sarkozy-contre-.html

Publié dans Réagissez !

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