Langue française

Publié le par Buffalo (de l'Equipe de Débattons !)

La place de la langue française en France, face ou plutôt à côté des langues régionales, en tout cas de celles qui subsistent, et celle de cette même langue dans le monde, voici deux sujets, qui quelque part ne sont que les deux faces d’une même problématique, qui ont beaucoup interpellé les visiteurs de Débattons !

 

 

Côté pile, la question des langues régionales (1) dans notre République :

            Certains dénoncent l’abandon des dialectes locaux, et demandent que la Constitution les reconnaisse et en encourage l’apprentissage et l’usage. Malheureusement, cette idée est en opposition avec l’article 2 de la Constitution française qui stipule que la langue française est la langue officielle de notre pays. Le français est un des dénominateurs communs qui unit l’ensemble de notre peuple. Quel autre élément de la vie quotidienne hormis la langue serait à ce point commun à chacun d’entre nous ? La monnaie est devenue européenne (et je ne remets pas en cause pour autant la monnaie unique, je constate, c’est tout), la religion d’état n’est plus (ce qui n’est pas un mal en soi), le service militaire n’existe plus ! Le français est un élément fédérateur !

            Bien sûr, certaines régions ont la particularité d’avoir une forte culture locale, associée à un dialecte non-encore éteint. Il est bon pour les habitants de ses contrées de faire subsister leurs particularités, tout en ne reniant pas leur identité française – certains auraient parlé d’Identité nationale. Mais est-ce le rôle de l’Éducation nationale, nationale, de maintenir ces patois ? On en demande de plus en plus à cette institution ; non seulement doit-elle instruire les futurs citoyens, mais en plus elle doit de plus en plus, ce qui contrairement aux apparences dues à son appellation les éduquer (ainsi que parfois leurs parents !), non seulement doit-elle permettre l’intégration des populations d’origines étrangères, qu’en plus, alors que le niveau baisse sur les compétences fondamentales - savoir lire, écrire et compter de manière convenable - s’ajoutent des demandes légitimes pour assurer un minimum de capacités dans le maniement de l’outil informatique.

            Alors, le juste-milieu serait certainement que l’Éducation nationale ne fasse strictement rien pour s’opposer à un apprentissage organisé d’une langue locale qui ne peut être que bénéfique pour l’enfant, ou au pire participe du bout des lèvres, à cet enseignement. Ne serait-ce que par souci d’équité : nombreux sont les Français non-originaires d’une région pourvue d’une langue régionale encore bien présente, et ceux-ci sont de facto privés d’une ouverture approfondie sur leur histoire et culture locales.

 

 

            Côté face, l’emploi du français, mais également de nombreuses autres langues, est menacé sans cesse plus par l’usage répandu de l’anglais (2).

            Alors que notre si belle langue est un des attributs de la souveraineté française, elle est attaquée de part et d’autre, y compris en France. On ne compte plus les atteintes qu’elle subit, que ce soit au sein de l’Union européenne, où son statut de langue de travail se transforme peu à peu en statut honorifique, au sein de l’Europe dans un sens plus large où elle se fait menacée par exemple par le Protocole de Londres (3). De par le monde, même si la langue de Molière reste l’une des seules à être apprises et parlées sur tous les continents, on ne peut que constater l’inutilité de l’organisation de la francophonie, simple dépositoire de bonnes intentions, et la prédominance de l’anglais dans les affaires diplomatiques (hier encore, j’ai vu au journal télévisé l’Ambassadeur d’Irak en France s’exprimer… en anglais !).

            Plus inquiétant, la résignation des Français eux-mêmes à défendre leur patrimoine linguistique à l’intérieur de leurs propres frontières. Peu de réactions quand le représentant de la France à l’Eurovision entonne en anglais, assimilation ultrarapide des mots d’origine anglo-saxonne quand bien même il existe des équivalents francophones tout à fait valides, etc.

Cela s’accompagne de plus à une américanisation de notre culture, qui est bien aidée par cette universalisation de leur langue.

« Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais et que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de communication, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines et que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent. » -- David Rothkopf, directeur général du cabinet de consultants Kissinger Associates, Praise of Cultural Imperialism, 1997.(4)

 

            De fait, si en 2006, 39 de meilleures audiences de la télévision française étaient dues à des fictions françaises contre 14 pour des américaines, en 2007, ces deux chiffres sont passés respectivement à 12 contre 48 !(5) De fait, certaines de nos chaînes, par exemple sur la TNT, préfère doubler des émissions venues d’outre-atlantique (et leur choix d’émissions est de plus contestable), plutôt que de les adapter en français ! De fait, Renault inonde nos écrans publicitaires d’une réclame pour le 4x4 qu’ils viennent de sortir, type de véhicules (longtemps) prisé par les Américains, mais qui semble à contre-courant des efforts que l’on a à faire en manière d’économie de carburants. De fait, et je m’arrêterai là car il faut bien s’arrêter J, l’apparition d’expressions utilisées par les médias et les hommes politiques, à mon grand regret comme globalisation ou droits humains (cette dernière expression étant prisée par Mme Royal) qui suppléent maladroitement aux mondialisation et Droits de l’Homme.

 

            Sur la tranche, et pour conclure, il peut paraître aberrant de critiquer l’uniformisation linguistique au niveau mondial et de la souhaiter au niveau national.

            Pour moi il ne l’est pas, puisque ces deux aspects participent à la même logique : l’affirmation de la Nation France à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur de ses frontières (sans que cela ne soit incompatible dans mon esprit avec l’intégration européenne). Le français est le vecteur privilégié de la culture francophone et de l’influence française. De plus, je pense que nous sommes l’une des deux seules langues européennes « préservables » à long terme avec l’espagnol à la domination anglo-saxonne. L’allemand et l’italien pour ne citer qu’eux, ont un usage qui ne dépasse pratiquement pas leurs frontières, et auront donc plus de mal que nous à garantir leur identité linguistique. Mais cela ne signifie pas que cela sera facile et automatique pour le français. Voilà pourquoi État doit s’engager en priorité à le soutenir, avant de s’occuper des langues « secondaires ».

 

 

 

 

Notes et sources :

 

(1)   Sur ce même sujet, consulter nos différents articles : Droit et Académie française et Le retour .

(2)   De même, n’hésitez pas à consulter cet article : le français et eurovision.

(3)   Déjà évoqué ici, et Wikipédia propose un article à la fois instructif et intéressant qui résume les enjeux de ce protocole (et qui rappelle que tous les pays ne disposant pas en langue officielle de l’allemand, de l’anglais ou du français ont choisi comme de par hasard, l’anglais !).

(4)   Extrait de l’article Wikipédia, intitulé l’impérialisme linguistique.

(5)   Chiffres Télé 7 jours, numéro du lundi 23 juin 2008.

 

« Au moment où s'engage, face à l'offensive des forces d’uniformisation, une lutte décisive pour sauvegarder la richesse et la diversité du monde, il importe de rappeler à tous les Français, à tous les Francophones, et plus généralement à tous ceux qui ne se résignent pas à voir minorer ou mourir leur langue, leur culture, leurs valeurs, qu'il n'y a pas de fatalité de la loi du plus fort […] » Appel de Villers-Cotterêts.

Publié dans Coup de gueule

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B
Malheureusement, cela ne rappelle que les "affaires" Trichet, Seillière et Lagarde!
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P
Quand on pense que Christian Noyer, de la BCE, a osé s'exprimer en anglais devant des députés français alors qu'il est français, on est tenté de aprler de haute trahison....
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