L'affaire Rushdie

Publié le par L'équipe de Débattons !

Imaginez une foule d'Anglais manifestant à Londres, brandissant des calicots à l'effigie de Muhammad - la paix soit sur lui - portant des exemplaires du Coran, des reproductions de la Kaaba de La Mecque et des drapeaux saoudiens. Imaginez-les en train de dresser un bûcher et d'y précipiter ces objets un par un, vociférant « Longue vie à la reine » à chaque fois que le brasier repart.

Ce serait l'équivalent de ce qui vient de se dérouler dans la ville de Multan, située dans la partie orientale du Pakistan, où des étudiants, adeptes d'une ligne dure de l'islam, ont brûlé des panneaux à l'effigie de la reine Élisabeth et de Salman Rushdie en criant : « Tuez-le, tuez-le ! » en réponse à la récente élévation de l'écrivain au titre de lord.

Ce genre de foule enragée s'observe rarement dans le monde occidental moderne (exception faite des hooligans lors des matchs de football). Mais elles sont devenues monnaie courante dans le monde musulman chaque fois qu'un pape, un caricaturiste ou maintenant une reine franchit une ligne mouvante tracée par les forces de l'intolérance. (1)

Effectivement, plusieurs manifestations "spontanées" ont éclaté à l'annonce de l'anoblissement de l'écrivain britannique Salman Rushdie. Un exemple de réactions que cet événement a provoqué :

"Si un homme enveloppé d'explosif lance des attaques pour défendre l'honneur du prophète Mahomet, alors elles sont justifiées"  : tel fut le commentaire, lundi, du ministre pakistanais des Affaires religieuses après l'anoblissement de l'écrivain Salman Rushdie par la reine d'Angleterre.
[...]
 Maulana Fazlur Rehman, leader de l'opposition à l'Assemblée, a appelé à une grande manifestation de protestation vendredi prochain. Il a déclaré que de «telles actions allaient alimenter les flammes, alors que l'Occident répandait déjà le sang des musulmans innocents en Irak et en Afghanistan».  (2)

SI l'on peut s'interroger sur la proportions d'"innocentes" victimes des forces internationales en Afghanistan, il ne me semble pas que ce soit l'information réellement importante de ces déclarations. Il faut plutôt relever l'intolérance d'hommes placés à la tête de leur pays, pire, leur volonté de tuer ceux qui ne pensent pas comme eux, de museler toute voix discordantes.

Mais, qu'a fait M. Rushdie pour mériter une telle opprobe ?
 
Il est coupable d'avoir écrit un roman ! Voilà pourquoi une telle attitude des Islamistes semble si étrange aux yeux des héritiers de Voltaire, Voltaire qui affirmait :  " Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dîtes mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire "



Le roman en question est intitulé "Les Versets sataniques". Dans ce livre, il décrit de façon jugée irrévèrencieuse le prophète Mahomet. Le livre décrit un prophète de Dieu nommé « Mahound » qui mélange des « vers sataniques avec le divin » (3)

Plus précisément,

 le livre peut être considéré du point de vue de l'islam comme blasphématoire de plusieurs façons :
 - les moqueries envers le Coran, en traitant le Coran de satanique et en s'appuyant pourtant sur une tradition rapportée par al-Tabari, un commentateur du Xe siècle sur les trois déesses (versets 19-22) ;
- le portrait parodique du monde musulman primitif et de Mahomet qu'il appelle Mahound, réduit à une figure d'agitateur religieux cynique, tel qu'usuellement considéré dans certains milieux anti-islamiques. Il brasse des affaires et entretient une maison close, s'interroge sur le sens de la vie et connaît des crises morales. (4)

Mais, tout ceci justifie-t-il que sa tête soit mise à prix ? Ceci excuse-t-il ces protestations, ceci excuse-t-il les déclarations d'éminents hommes politiques ?

Il y'a (relativement) peu de temps est paru un film intilé Amen. Sur l'affiche de ce film, le symbole le plus sacré de la Chrétienté, la Croix, était fondu dans la swastika nazie. A-t-on assisté à des autodafés ? A des menaces de mort ? Non !
A ceux qui disent que l'on ne peut se moquer d'une religion, d'un dogme, que l'on ne peut caricaturer certain prophète, je répondrai en citant les mots prêtés à Monseigneur  Jacques Gaillot : "Il y a un droit au blasphème. Le sacré, c'est l'Homme"

Pour conclure, 

L'Occident doit rester maître de son territoire. En anoblissant Salman Rushdie, la reine a honoré la liberté de conscience et cette créativité chéries par l'Occident. Ce geste a fait d'elle non pas le symbole d'une monarchie caduque, mais l'essence même de notre art de vivre. Longue vie à la reine ! (5)

 

Hesnoone



(1) http://www.lefigaro.fr/debats/20070628.FIG000000092_affaire_salman_rushdie_ce_que_l_occident_ne_veut_pas_comprendre.html
(2) http://www.liberation.fr/actualite/monde/262277.FR.php
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Salman_Rushdie
(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Versets_sataniques
(5) cf (1)

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