Economie scientifique

Publié le par Hesnoone (de l'Equipe de Débattons !)

Dans le cadre de ses études, Hesnoone a été amené à réaliser une étude sur l'Evolution de la pensée économique au cours des siècles.
Il a décidé d'en faire partager nos visiteurs...
En ce leundi de Pâques, pour vous faire digérer, voici une présentation des débuts de l'économie en tant que science... :




3. La naissance de l’économie en tant que science

 

Le XVème siècle. L’Europe découvre l’imprimerie de Gutenberg, l’Europe découvre l’Amérique, les premières colonies se forment, le commerce maritime se développe. Parallèlement, on assiste à l’émergence d’États forts ; bientôt,  apparaitront les armées professionnelles, la Réforme et Contre-réforme, la révolution copernicienne. Tout semble s’accélérer en ces quelques siècles.

C’est dans ce contexte d’effervescence intellectuelle, politique et économique que l’on place usuellement la naissance de la science économique, avec la physiocratie. Nous allons dans un premier temps donner un aperçu du mercantilisme, qui rompt fondamentalement avec les pensées économiques antérieures, avant de nous intéresser à la naissance de la science économique avec Adam Smith. Ici non plus, l’objectif n’est pas d’être exhaustif, mais de proposer un rapide aperçu des changements se produisant à cette époque.

 

 

         On ne peut penser le mercantilisme hors de son contexte historique. Ce « courant », dont l’un des représentants les plus connus en France est Colbert, se situe dans une période charnière, entre la fin du XVèmeème siècle. siècle et le début du XVIII

On assiste alors à de nombreux bouleversements : découverte des Amériques, ce qui entraine un afflux conséquent de métaux précieux vers la vieille Europe, invention de l’imprimerie, ce qui facilite la diffusion des idées, Renaissance, période d’intense création artistique, émergence d’États forts et unifiés, passage d’un monde rural et artisanal à un monde empli de commerçants et de manufactures, d’une civilisation continentale à une civilisation maritime.

Dans ce contexte, on assiste au développement d’une façon de penser l’économie non plus comme soumise à la morale (des Anciens ou à la morale chrétienne), mais à des fins purement matérielles : une économie performante étant nécessaire à un État puissant, l’objectif de l’économie est désormais la création, l’accumulation de richesses. 

Il y’a donc une rupture – le mot est à la mode – profonde entre ce courant de pensée et ceux qui l’ont précédé. Par exemple, alors que le Moyen Âge affirmait la supériorité de la terre (en reprenant la thèse de Xénophon citée plus haut), le mercantilisme croit la force du commerce, de l’industrie (établissement de nombreuses manufactures par Colbert).  Alors que les Anciens et les penseurs du Moyen Âge prônaient la retenue en toute chose, le mercantilisme vante l’audace des grands découvreurs, de ceux qui « osent ».

Les mercantilistes ont identifié trois principaux facteurs de croissance économique : abondance en hommes, abondance en argent, intervention de l’État.

« Il n’est de richesse que d’hommes », disait Jean Bodin [1] . Les penseurs mercantilistes sont en effet convaincus de l’importance de disposer d’une « masse salariale » besogneuse et bon marché. Ils affirment donc qu’il faut favoriser la croissance de la population et maintenir les salaires au niveau le plus bas possible.

Au XVIème siècle, suite aux conquêtes espagnoles en Amérique du Sud, la quantité de métaux précieux sur le Vieux Continent est multipliée par huit ! Les mercantilistes sont, pour la plupart (Jean Bodin est une exception notable), convaincus du caractère positif d’un tel afflux, l’abondance monétaire étant supposée stimuler l’activité économique. Par exemple, cela est supposer faire baisser le taux d’intérêt et donc favoriser le financement de grands projets industriels ou d’infrastructure.

Cependant, l’essentiel de l’or et de l’argent américains arrivent alors en Espagne. Afin de le « récupérer », les mercantilistes considèrent qu’il est essentiel pour un État d’avoir une balance commerciale excédentaire, et donc de favoriser les exportations tout en limitant les importations : cette politique sera notamment menée par Colbert en France.

L’application de telles mesures nécessite évidemment l’intervention de l’État, ce qui nous amène à parler du troisième facteur « essentiel » identifié par les mercantilistes. L’intervention de l’État ne se justifie pas seulement par la nécessité d’obtenir des métaux précieux via le commerce, mais aussi parce que le développement des exportations implique le développement des manufactures, et donc la création d’emplois et de richesses. Trois types de mesures sont alors proposées pour atteindre cet objectif :

-      limiter fortement les importations de produits manufacturés, par la loi ou les taxes, afin de protéger les industries nationales ;

-      limiter ou interdire les exportations de matières premières, afin de les réserver aux manufactures nationales ;

-      favoriser les exportations de produits manufacturés.

Ce dernier point, justifié par le fait qu’augmenter les débouchés commerciaux favorise la production nationale et donc la création d’emploi, explique en partie le fervent soutien des mercantilistes à la création de colonies, considérées comme des marchés prometteurs pour les manufactures nationales[2].

 

En conclusion, le mercantiliste s’illustre par une nouvelle façon d’aborder l’économie. Alors que les penseurs de l’Antiquité et du Moyen Âge se sont demandé comment accommoder au mieux une réalité afin que l’homme puisse vivre en harmonie avec la nature (dans le premier cas) ou avec Dieu, d’où l’importance de la morale, les mercantilistes font preuve d’un pragmatisme frappant. Le but n’est ici point de rendre la société meilleure, mais de rendre l’État plus fort. Ce fait est très clairement illustré par le pillage des ressources du Nouveau Monde, l’exploitation de la main d’œuvre coloniale (et de métropole : les salaires ne sont jamais assez bas !), l’usage – parfois à outrance – de l’esclavagisme.

On peut également constater un manque de théorisation des phénomènes économiques : la préoccupation des mercantilistes n’est que pratique.

Nous terminerons cette partie par une citation de Colbert sur les moyens à mettre en œuvre pour accroître « la grandeur, la puissance de l’Estat et la magnificence du Roy » :

« Augmenter l’argent dans le commerce public en l’attirant des pays d’où il vient, en le conservant au-dedans du royaume et empeschant qu’il n’en sortist, et donnant des moyens aux hommes d’en tirer profit ».[3]

Extrait des Mémoires de Colbert, 1670 [4]

 

 

 

La plupart des historiens s’accordent à dire que la science économique nait véritablement avec les physiocrates : avant eux, l’économie était soumise à la morale ou, plus tard, à la seule fin d’augmenter la puissance de l’État et du « Roy ». Après eux, Adam Smith, fondateur de l’école classique, qui dominera les pensées économiques jusqu’à Keynes. Dans un premier temps, nous développerons la vision qu’avait Adam Smith de la richesse avant de nous intéresser à sa vision libérale de l’économie.

 

La richesse

 

La richesse des nations

Adam Smith présente dans La richesse des nations une nouvelle définition de la richesse, la séparant de la monnaie. Il y considère en effet la richesse de la nation au sens physiocratique, c'est à dire qu'elle est la richesse de tous ses habitants. La richesse d'un habitant n'étant pas seulement la monnaie ou le stock de métaux précieux qu'il possède mais « toutes les choses nécessaires et commodes à la vie ». Pour Adam Smith, ce modèle est la meilleure approximation de la réalité existante à son époque.

Toutefois, dans la théorie physiocratique la seule activité productive est celle de la terre, l'industrie y est considérée comme non productive car transformant seulement une matière première en un produit manufacturé. Et Adam Smith limite ici son accord avec cette thèse, il considère en effet cela comme trop étroit et limité. On note que s’il considère l'industrie comme productrice de richesse, il n'en va pas de même pour les services, ce qui a été critiqué très tôt par Jean-Baptiste Say, qui se proclamait pourtant disciple d’Adam Smith.

 

Augmenter la croissance

En plus de poser cette nouvelle définition de la richesse, Adam Smith étudie également les facteurs permettant d'augmenter celle-ci. La solution qu'il donne est celle de la division du travail qui permet d'accroitre la productivité de trois manières différentes : la spécialisation des ouvriers qui permet une augmentation des compétences, la diminution du temps perdu en changeant de tâche, et enfin l'utilisation des machines.

 

La division du travail

 

         Pour Adam Smith, cette division du travail qui est moteur de la croissance n’est pas le fait d’une quelconque sagesse de l'homme qui se rendrait compte des avantages de cette division du travail mais est, au contraire, naturelle. En effet, elle est, selon lui, une conséquence directe et obligatoire d’une « certaine propension de la nature humaine à trafiquer, troqué, échanger une chose contre une autre ».  C'est la certitude de pouvoir échanger le surplus de sa production par rapport à sa propre consommation qui encourage le travailleur à se consacrer et à se perfectionner dans l'occupation dans laquelle il est le plus efficace.

 

Le libéralisme et la main invisible

 

La main invisible

Adam Smith a inventé la métaphore de la « main invisible » dans laquelle un individu recherchant son propre avantage sur un marché concurrentiel va dans le sens le plus avantageux pour la société. En effet la recherche du profit induit une production de marchandises recherchées par les consommateurs aux meilleurs prix (selon la loi de l'offre et de la demande).

 

Pourquoi le libéralisme ?

Toutefois cela ne peut se réaliser que dans un cadre de concurrence parfaite sans barrière d'accès sur le marché. Une économie libérale est donc une condition sine qua non pour que s'applique la métaphore de la main invisible.

D' autre part, la richesse n'étant pas la monnaie, il est absurde, selon Adam Smith, pour l'État d'essayer d'accumuler de  l'or ou de la monnaie en imposant des règles commerciales restrictives, ce qui conforte l’idée du libéralisme économique.

Ainsi la théorie d’Adam Smith assure que l'ensemble des intérêts individuels dans un cadre de concurrence parfaite assure l’intérêt de la société au niveau social.

 

Les limites du système

Il ne considère pas toutefois un capitalisme sauvage total comme le meilleur système possible. Il discute le rapport de force et les intérêts opposés entre l’ouvrier et le maître : au niveau salarial le premier souhaite le plus possible alors que le second veut donner le moins possible. Or, selon Adam Smith, c'est le maître qui aura l'avantage dans le débat et qui forcera l'ouvrier à accepter ses conditions : les maîtres étant moins nombreux que les ouvriers (d'un important ordre de grandeur), il leur est donc possible d’outrepasser les lois du marché en se concertant (alors qu’à cette époque la loi l'interdit pour les ouvriers). D’autre part, les maîtres ont un capital de richesse qui leur permet de vivre quelques temps sans ouvriers que ceux-ci n'ont évidemment pas. A cours termes (et seulement à cours termes) seul le maître est indispensable à l'ouvrier, la réciproque n'est pas vrai.

 

Le rôle de l' État

Adam Smith considère donc que si l’État peut constituer un danger pour l'économie en freinant le libéralisme, le plus grand danger pouvant nuire à la main invisible est l’entente entre  producteurs dans le but de contourner la loi du marché pour s’assurer un profit supplémentaire. L’État doit donc s'investir dans le but d’assurer le respect des règles de la concurrence parfaite.

 

Le libéralisme loi de l'économie

Malgré ce désavantage qu'on les ouvriers dans le système proposé par Adam Smith, celui-ci le place comme étant profitable pour les salariés également. En effet la croissance économique est bénéfique aux salariés or le libéralisme ici proposé est apte à promouvoir cette croissance. Ainsi les ouvriers ont intérêt au libéralisme, plus encore, Adam Smith l’érige en loi naturelle de l'économie.



[1] Jean Bodin : penseur politique français (1530-1596). Mercantiliste, il a posé les premières bases de la théorie quantitative de la monnaie (brièvement évoquée plus loin) en analysant les origines de l’inflation du XVIème siècle.

[2] « C’est Colbert qui, le premier, organise la colonie américaine en fonction des besoins de sa politique intérieure. La colonie doit fournir à la France des matières premières à bas prix et servir de débouché pour les produits manufacturés de la métropole. » Extrait de L’histoire de France, Larousse (1998), pp 266-267

[3] On retrouve ici les points essentiels du mercantilisme, développés plus haut.

[4] Se reporter à L’histoire de France, Larousse (1998) pour plus de détails (p 256).


Publié dans Un peu d'Histoire...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
Ca me rappelle l'hsitoire de rats que j'avais lu je ne sais où :quand on met un groupe de rats ensemble, et qu'ils doivent nager pour aller chercher à manger, au bout d'un certains temps, des classes se forment :-ceux qui se débrouillent tout seul pour se nourrir et à qui on fiche la paix-ceux qui dominent et qui se font apporte à manger-par les dominés qui font le boulot pour les précédents, et pour eux mêmes.Le plus drôle étant que lorsqu'on regroupait par exemple les dominants de plusieurs groupes d'expériences, ces mêmes trois types de comportement réapparaissaient...
Répondre
J
L'économie de marché existe depuis la nuit des temps.La Bible nous enseigne "Tu gagneras ta vie à la sueur de ton front". ce principe s'applique aux humains , pas aux animaux ... C'est la malédiction de Dieu punissant l'Homme d'avoir voulu goûter "aux fruits de l'arbre de la connaissance du bien et du mal".Ce faisant, des petits malins ont vite compris qu'il était plus simple et moins fatiguant de gagner sa vie à la sueur du front des autres ... Il fallait tout de même y penser!
Répondre